UN PROJET DE CAROLINE MICHAUD-
NÉRARD
Auteur, scénographe et metteur en scène
ALICE TIEZZI
Auteur, chorégraphe et metteur en scène
ET C-DRIK FERMONT
Environnement sonore
Montedansmabulle Productions 2010
Soutenu par l'Aide à la Conception de la
Commission Arts Numériques de la
Communauté Française de Belgique
Corpus Mutatus est un projet composé
de différents éléments traduits par
plusieurs médiums artistiques. Il se
présentera à un public dans un lieu précis
et dans une durée précise. On pourra le
définir comme prenant la forme d'une
pièce dansée, écrite, relevant par bien
des aspects de l'art de la performance
mais pouvant relever du statut de
spectacle par sa capacité à répondre aux
exigences de la représentation théâtrale
et chorégraphique.
Corpus Mutatus raconte l'histoire, ou
l'état de vie, d'un personnage J. Une
jeune femme confrontée à son image,
l'image de son corps, de ce qu'elle ingère
ou pas, de ce quelle ressent ou non, voire
de ce qu'elle y introduit.
Corpus Mutatus est un projet qui s'écrit
autour de la relation du développement de
la psyché humaine avec la conscience
de son image, ou de ses images. Par-là
même nous sommes naturellement aller
vers différentes technologies pour les
mixer, les superposer, pour créer un
déplacement des références lié aux
aspects et aux textures des ces mêmes
technologies. En effet, mon
questionnement récurant sur les écarts
entre virtualité et réel, et entre leurs
perceptions m'amène à comprendre à
quel point la nature du signal d'une image
et son style influence ces mêmes
perceptions. Nous désirons donc, au-delà
du trajet de notre personnage J., faire
vivre à l'audience ces écarts de
perceptions pertinemment. Autant que J.
vit au travers de ses miroirs jusqu'à les
briser, peut-être Corpus Mutatus
deviendra lui-même miroir pour le public.
La caverne dont on peut sortir.
"Faim nerveuse, faim incontrôlable,
instinct animalesque. Rien à voir avec la
bonne nourriture, avec le goût gourmet.
Se remplir le ventre pour remplir l’espace
vide d’un abandon. Terreur que quelqu'un
nous abandonne à nouveau. Etre en
colère avec soi-même et ne pas le savoir,
vouloir se nuire et ne pas l’avouer,
l’obsession d’être bien, d’être parfaite,
d’être la meilleure, pour être
indispensable, pour empêcher ceux qui
m’entourent de me laisser. Ne pas
accepter que quelqu'un me dépasse,
parce qu’il pourrait prendre ma place
dans la vie des autres.
Peur, peur, peur de soi, de son image
dans le miroir, des autres, peur de
recommencer.
Effacer, effacer, faire et défaire,
commettre et cacher, comme si rien
n’était jamais arrivé. Dire que c’est la
dernière fois, que demain tout sera
différent. Et se répéter pourtant,
prisonnière d’un cercle vicieux qui ne
peut être interrompu, ou d’une habitude
banale. Hier, enfin, n’existe plus.
Personne ne m’aime, je les obligerai à
m’aimer, je serai tellement bien qu’ils ne
pourront pas se priver de moi. Je fermerai
ma bouche en mangeant pour éviter de
dire quelque chose de faux. Pour éviter
de dire la vérité. Personne ne doit savoir,
comme ça personne ne pourra me
blâmer. Rage folle. Mâchoire serrée. Peu
de sourires. Vivre en fonction de la
nourriture, obsédée par la nourriture.
Nourriture mauvaise, bonne, saine,
grasse, prohibée ou permise. Nourriture à
jeter, à regretter, à vomir.
Nourriture ordure.
Qu’est-ce qu’il y a derrière ce voile? Il y a
ma chambre d’il y a quelques années. Il y
a moi, un peu plus jeune qu’à présent. Il y
a la terreur : d’être seule, d’être ratée, de
pas être au niveau. Il y a l’envie de
correspondre à l’image d’une Moi parfaite
et irréprochable. L’image que je crois
transmettre aux autres et que je crois que
les autres veulent voir. Il y a la frustration
de ne pas pouvoir exprimer ma
personnalité sincèrement, par la peur de
découvrir qu’elle n’est pas assez bien. La
frustration qui passe par la haine de mon
corps, qui se renverse sur la nourriture et
qui devient bientôt honte. Il y a la
culpabilité et l’envie d’arrêter de me faire
mal, mais pas avant d'avoir effacé
chaque trace de faute. Il y a l’incapacité
de faire cesser cette spirale. Il y a un
espoir peut-être ? Il y a la catharsis de
quelqu’un qui est passée par là et qui n’a
pas envie d’y retourner… "
J. & Alice Tiezzi